lundi 11 août 2008

Benoît Duteurtre, Les malentendus


Les malentendus
Ou

Quand bienpenser
n’empêche pas de dire blanc et de vivre noir


Benoît Duteurtre, Les malentendus, NRF Gallimard, 1999


Benoît Duteurtre, roman après roman, nouvelle après nouvelle, établit progressivement, par touches successives et douces, à la manière de Impressionnistes, un portrait de la France de la fin du XXème siècle et du début du XXIème. On a déjà quelques belles scènes d’une œuvre qui pourrait s’appeler La Bouffonnerie Humaine.

De nouveau, avec son ironie légère et amusée, il évoque les impostures des bonnes pensées qui ont colonisé le cerveau complaisant de ce petit monde majoritairement écrasant, qui a bonne conscience, parce qu’il pense bien, parce qu’il dit bien ce qu’il pense bien et qui s’endort bien, le soir, sur un oreiller frais gonflé de bonnes pensées toutes faites et prêtes à être assénées au premier « fachô » qu’ils croiseront le lendemain.

Si l’on a compris et aimé l’effort de critique sociale d’Emile Zola, si l’on est attentif à l’entreprise critique et sociologique de Michel Houellebecq, on goûtera les textes de Duteurtre.

Mais ce n’est pas du Houellebecq, loin de là. N’attendons rien de dur, rien de théorisé ni de prophétisé dans Les malentendus. Tout est léger, posé là, comme une farandole de desserts sur un buffet à volonté. Couleurs harmonieuses, odeurs délicates, musique d’ambiance étudiée. Le style est parfait. Je ne vois pas ce qui empêcherait un jour à Benoît Duteurtre de postuler à l’Académie.

Les niais pétris de pensées creuses et de bons sentiments jamais éprouvés sur le fil de la raison ni jamais confrontés à la prosaïque réalité, pourraient avoir envie de bientôt refermer ce roman. Attention, snobs de droite et de gauche, vos vaines et hypocrites postures vous sauteront vite au visage, si vous passez le pont ! Franchir un Rubicon demeure risqué.

La première partie du roman installe ces personnages confits de tics idéologiques et de tocs langagiers. Un jeune gauchiste d’excellente famille, champion du droit des immigrés, une jeune et sexy chef d’entreprise de droite la anti-immigration, des beurs shootés, dealers et racketteurs, des sans papiers, un gay handicapé. Un Paris rive droite, un Paris rive gauche. La misère affective et la misère sociale se retrouvent encore pour fonder la prostitution sur l’air, presque correct, d’un service rémunéré rendu à une nation en décadence.

La seconde partie, déclenchée par le ressort classique des histoires de lit et de cocufiage donne à cette satire un air de boulevard mais sans aucune vulgarité.

On pourrait y voir encore bien des détails sur la dévirilisation du parc national des mâles français, qui, incapables de satisfaire la jeune chef d’entreprise « fachô » mais dynamique finit par entretenir un marocain clandestin et prostitué, débordante de reconnaissance envers celui qui la remet à sa place de femme comblée sous un homme viril. La jeune patronne de droite, anti-arabes devient ainsi la souteneuse d’un marocain sans papier, à qui elle permet de continuer sa double vie sexuelle et sociale et s’encanaille avec des fumeurs de joints.

Le jeune gauchiste bon teint se voit catalogué comme « fachô » par ses petits copains de Sciences-Po pour lesquels il devient la nouvelle cible, corrompue et corruptrice, à abattre.

Mesdames et Messieurs, rien ne va plus, les jeux sont faits, à la table des bienpensants…

vendredi 8 août 2008

Benoît Duteurtre, Service après vente


Benoît Duteurtre nous invite ici à voir l’homme sous l’angle de l'allégorie de la caverne revue et corrigée par la modernité. L’homme est (s’est ?) perdu au fond de l’antre numérique. Le nouveau feu ? La technologie venue « changer notre vie ». Les ombres sur les parois ? Nos nouvelles illusions : se croire libre de toute décision dans l’univers électronique qu’on dominerait et qui serait au service des hommes ; se penser relié à tout, en tout temps et en tout lieu au cœur d’une sorte de réseau fraternel et universel.

Les mécanismes sont bien dénoncés, dans ce texte où l’on flirte avec les théories de l’absurde d’un Camus ou d’un Ionesco : l’industrie numérique berce les consommateurs en leur faisant croire qu’ils sont des « clients privilégiés », elle les endort en leur offrant des cartes, des points fidélité, des cadeaux, des promotions, des voyages.

Au bout, il n’y a qu’une nouvelle forme de dictature, où les individus sont universellement uniformisés : du chef d’entreprise au pseudo adolescent rebelle, en passant par la « racaille » des banlieues et le curé en soutane. Quels que soient leur look, leur discours, tous, au-delà des signes tribaux qu’ils affichent portent les mêmes fers d’un esclavage bien réel, dont le maître absolu est l’industrie numérique, dont le fouet est la consommation dératée vers le toujours plus, le toujours mieux.

Disons-le, les victimes sont plutôt consentantes. Si on saisit bien leur ridicule, on ne peut guère les plaindre de leur aliénation progressive mais totale. Il aurait fallu ne pas abandonner l’esprit critique, mais ç’aurait été rechercher l’effort dans un monde où l’on veut nous faire croire que tout doit être toujours plus léger, plus rapide, plus insouciant.

La machine s’enraye-t-elle ? Commenceriez-vous à douter d’elle ? A refuser de payer ce qu’on vous impose sans que vous l’ayez demandé ? Vous voilà coupable d’hérésie ! Pour le moins, vous êtes prié de culpabiliser ─car la culpabilisation restera toujours le grand ressort de la manipulation des masses. Comment ? Seriez-vous de ces fous hagards et sans ambition, destinés à flotter sur une barque velléitaire au gré des flots fétides du doute ? Vous avez le choix : la rive du passéisme (mais vous êtes ringard, crucifié, mort, fini) ou celle du futurisme (et vous êtes un mec bien, dynamique, vivant, ambitieux, qui a encore un avenir).

Alors, dans un monde devenu un entonnoir, il faut choisir son camp. Résistez-vous, que vous voilà étiqueté paumé, « déclassé, rebut d’humanité », raillé par « un monde absolument moderne ». Résister, ça a un prix. Regagner le rang, c’est le confort assuré de l’uniformité.

Pour ce qui est du style, on retrouve le Duteurtre de Drôle de temps, mais avec une écriture peut-être plus rapide, un peu moins travaillée. Le dernier chapitre est faible et mériterait d’être refait. Si les idées qu’il amène sont utiles pour finir le roman (le point de vue contradictoire de l’industrie est donné, style « droit de réponse »), elles sont très vite et trop brutalement posées. On pourrait croire qu’il fallait très vite finir avant l’impression, quitte à bâcler un peu.

jeudi 7 août 2008

Honoré de Balzac, Gobseck

Ecrire sur Balzac sans avoir passé dix ans à le lire exclusivement, et dix autres années à consulter les commentateurs, semble dérisoire, présomptueux et vain. Que n’aurait-on pas déjà dit et publié sur lui ? Aussi, me
contenterai-je de donner un éclairage tout personnel et bref de ce court roman qui n’est pas le plus connu de La Comédie humaine.

Deux choses m’ont paru essentielles dans ce texte : le personnage complexe, riche et infiniment attachant de « papa Gobseck » et l’impression de retrouver un condensé d’univers entier en seul et bref roman.

Pour ces deux raisons immédiates, l’une purement affective l’autre purement littéraire, on a l’intuition d’un chef-d’œuvre.

Cher Papa Gobseck :

Gobseck, n’est pas l’Harpagon de Molière. L’avare est sous le joug de l’or qui le domine. On pourrait dire qu’il est dans un rapport d’idolâtrie, de servitude et de passivité face à la richesse. Papa Gobseck, lui, fait circuler l’argent dont il est maître absolu. L’avare possède matériellement l’or dont il jouit du contact. L’essentiel de la fortune de Papa Gobseck est faite de reconnaissances de dettes, de lettres de change, de titres, de papiers. Ses biens, que l’on suppose immenses s’avèrent plus immatériels que matériels. Il y a donc chez lui un aspect, une vision absolument moderne de la finance. C’est le personnage type du spéculateur, du capitaliste financier dirait-on aujourd’hui, mais avant l’heure. C’est l’homme qui entre « comme associé par anticipation dans les entreprises et les spéculations lucratives. »

Papa Gobseck est un usurier. Il a la face jaunâtre et vit chichement. Cliché encore courant en 1830 du juif usurier hollandais, né à Anvers (voir Montesquieu, De l’esprit des Lois, Livre 21, Chapitre 21 qui rappelle comment les juifs ont inventé la lettre de change pour se protéger des persécutions, mais aussi Shakespeare qui, quelque trois cents ans plus tôt, mettait déjà l’usurier juif en scène sous les traits de Shylock dans Le marchand de Venise).

Papa Gobseck réunit déjà la figure traditionnelle de l’usurier juif et celle moderne du spéculateur. En découvrira, en effet, que son personnage n’a rien de stéréotypé et que, loin de nuire avec son argent, il se montre un conseil éclairé, un ami fiable, un cœur généreux.

C’est ce qui le rend attachant et humain, ce fin observateur dont la science des hommes est si grande qu’il peut prédire des années à l’avance, avec l’exactitude de la loi, l’avenir financier des plus fortunés qui finiront par venir lui manger au creux de la main. Ce n’est pas un voyant mais un scientifique. Il ne voit pas l’avenir, il le calcule.

Il pourrait jouir de sa supériorité froidement, hautainement. Au lieu de cela, il va finalement organiser un jardin à la française au cœur d’une jungle impitoyable. Tous les pouvoirs sont entre ses mains : la ruse, la filouterie, la patience, le courage physique, le goût du risque. Il sait écouter et se taire, et quand il parle ses paroles sont toiles d’araignée. Il ment pour piéger les arrogants mais n’est dupe d’aucun mensonge qu’on lui fait, d’aucun piège qu’on pourrait lui tendre. Il aide un ami mais en le libérant a priori de tout sentiment de reconnaissance qui empoisonnerait leur amitié.

Papa Gobseck est un sage, et un homme fragile qui connaît les troubles des hommes, leurs souffrances et leurs joies. Grâce à lui, Derville devient un brillant avoué et se mariera avec Fanny (saine fille que lui aura si bien décrit Papa Gobseck que le jeune homme en tombera aussitôt amoureux.) Il préserve la fortune familiale du feu comte de Restaud, contre la mère et son amant pervers, pour la rendre au jeune héritier. Il rend ainsi possible l’avenir du jeune comte dans la haute société.

A-t-on vu avare restituer une fortune ? Bien plus : il utilise sa fortune pour redresser les torts causés à des innocents et cela (ce qui donne toute la valeur à sa conduite) sur le fond d’une vision extrêmement lucide et jamais mièvre de l’homme.

Par sa richesse et ses quelques limites (connues, contrôlés et dépassées), par son humanité et sa moralité (qui vaut plus qu’une simple probité sociale), par son exigence intérieure, Papa Gobseck est un personnage magnifique qu’on se prend à aimer et qu’on espère aussitôt retrouver dans un nouveau roman.

Un Univers condensé :

Microcosme ramassé sur lui-même, Gobseck donne l’impression, à le lire, d’être l’instant 0 du Big Bang. Là, tout est disponible, réuni, en puissance, en énergie, en matière, en possibilité de liaisons, en thèmes, pour la Création. Le Créateur semble sur le point de livrer cet univers absolument dense à l’expansion. Le rêve de tout astrophysicien, assister au Big Bang, est possible pour l’amoureux de littérature qui peut assister à la naissante d’un nouvel univers.

La moitié d’un thème de Gobseck suffirait à nourrir des romans entiers. Des thèmes, il y en a tant au fil des pages… et en si peu de pages. On y voit une montre suisse qui fait entrer en infiniment peu de place une multitude de rouages aux dents ajustées au micron. On assiste au manège parfait de tous les milieux : du peuple humble à la plus haute aristocratie ; de tous les comportements : de la stricte moralité qui permet l’élévation à la dépravation des mœurs qui conduit à l’effondrement ; de toutes les vertus et de tous les vices : de la naïve pureté de Fanny à l’ignoble et froid cynisme de Maxime de Trailles ou bien de l’amour filial d’un père à la pire perversité d’une mère. Manège parfait et intemporel, donc, qui tourne autour de l’axe immuable de l’argent.

Et j’allais oublier cette peinture du mariage bourgeois, où l’épouse laisse agoniser son mari sans lui porter le moindre secours pour, à l’instant même de la mort, fouiller les tiroirs et renverser les meubles du défunt en quête d’argent !

Finalement, s’il fait penser au roman absolu, peut-être est-ce parce que Gobseck est un récit primitif, fondateur comme l’on dit aujourd’hui. Le travail de l’écrivain, sa maîtrise se sent partout, dans la succession des récits de Derville et de Gobseck, dans le jeu sur la temporalité qui est modifiée par des phases brèves et transitoires de narration externe typiquement romanesques… si bien qu’on imagine déjà en lisant le roman la pièce de théâtre ou le scénario qu’on pourrait en tirer.

mercredi 6 août 2008

Benoît Duteurtre, Drôle de temps



Benoît Duteurtre, Drôle de temps
Folio Gallimard, 2001


Sale temps pour l’homme…

Ce recueil de nouvelles, certaines pouvant aisémentt se transformer en roman, fut couronné en 1997 du prix de la Nouvelle de l’Académie Française.

Souvent drôles, ces textes donnent un bel échantillon du talent de Duteurtre : savoir encore faire rire ou sourire en peignant une humanité livrée au ridicule qui la tue peu à peu. On sent chez l’auteur une colère dépassée, un dégoût lassé face à un monde superficiel, vain, nul et laid, voué à la technologie et à la communication.

Usant de la description « chirurgicale », aussi peu effective que possible, il met en relief les travers et les ridicules dans lesquels nous flottons tous plus ou moins comme des bouchons.

On n’est jamais tenté de croire que Benoît Duteurtre dénonce le monde, le stigmatise, le fustige. Sur ce monde, il porte un regard ironique mais doux, un œil lucide mais bienveillant. Lui n’est pas dupe. Les autres sont des esclaves… mais il se souvient que Socrate a bu la ciguë, que Jésus a connu la croix, abandonnés et condamnés par ceux-là même qu’ils venaient libérer.

Jésus et Socrate étaient si malpensants, si radicaux, qu’il fallait les tuer. Duteurtre, lui, est sage et « philosophe » dans le sens commun du terme. Il montre ce qu’il faut pour qu’on comprenne qui il est, mais il reste un observateur amusé et désabusé du monde.

Sévère mais pas cynique, il fait œuvre de révélateur et d’éclairagiste. Il remet en lumière ce qui n’a plus d’éclat et nous comprenons par là que le monde réel a disparu derrière l’illusion d’un monde pré-pensé, pré-fabriqué, pré-digéré, pré-vu.


Des mentions particulières pour quelques nouvelles :

« Dans la sanisette », nouvelle digne de la 4ème dimension, ouverte à toutes les interprétations, l’on finit par se demander : qui est J.C. Decaux ? Dieu ? Un envoyé de Dieu ? Le plus grand tyran de l’histoire de l’humanité ? Et la technologie ?... La plus grande aliénation de masse qu’aura jamais subie l’homme ?

Sur « La plage du havre », on verra les citadins rétablir (sur du sable, ô symbole !) une « urbanité de plage », régénérant ainsi, dans des allées de cabanes estivales, les rites et affrontements tribaux les plus immédiats, les plus ridicules, entre plages de galets hostiles et mer des années 60, alors aussi polluée de boues mortelles que peuvent l’être aujourd’hui les lieux maritimes les plus dangereux du tiers-monde.

Et pourtant, l’auteur le rappelle (p. 74) soulignant ainsi qu’il ne fut pas le seul à voir dans la laideur des occasions de beauté, c’est bien là que « Claude Monnet, dans les bassins du port, peignait son Impression soleil levant », tableau qui m’est si cher…

Lisez le portrait (p. 64-65) de la « jeune chrétienne bourgeoise » d’avant 68, et regardez celle d’aujourd’hui…

Au cœur de la « Zone Nature Protégée », Patrick, l’écolo-bobo-parisien-bienpensant verra ses paradoxes et son vide intellectuel révélés par des gens simples, de gens de la terre pour qui la Nature n’est pas un musée idéal, un écomusée idéologique prétexte à propagande, mais le cadre de leur vie réelle et quotidienne, cadre qu’il faut sans cesse aménager au mieux pour continuer d’y vivre tout simplement.

« Comme au cinéma », oui, comme au cinéma noir et blanc de la 4ème dimension encore, s’achève le recueil. Où l’homme a-t-il donc basculé ? Ses rêves des années 60 sont-ils devenus les pires cauchemars des années 2000 ?

Il y a quelque chose de Marcel Aymé dans la prose de Duteurtre. Ceux qui lisent un peu attentivement et tendent un peu l’oreille y retrouveront de lointaines couleurs et de modernes échos de l’auteur de La belle image et d’Aller-retour qui nous dépeignait déjà l’homme comme « un papillon volant légèrement de travers. »

samedi 2 août 2008

Jean-Christophe Ruffin, Le parfum d'Adam




Le Parfum d'Adam
ou

l'Ecologie radicale et ceux qui la manipulent



Le très jeune Académicien, Jean-Christophe Ruffin, a publié un roman policier ayant pour thème central l'écologie radicale.

L'auteur, grand médecin, grand scientifique, pionnier de l'humanitaire en France, diplomate et habile négociateur, s'étant fortement, et avec succès, impliqué dans la résolution de problèmes diplomatiquement épineux et physiquement dangereux telles que des prises d'otages, donne pour la première fois dans le thriller, et dans le thriller écologique au rond-point de la politique, de l'idéologie et de la science, labyrinthes qui lui sont autant de sentiers de promenades dominicales.

Si vous aimez les polars, vous serez ravis, et même comblés. On se croirait dans un policier traduit de l'américain par un excellent auteur français, quelque chose comme du Poe traduit par un Baudelaire.
Car, voyez-vous, écrire un polar autour de l'écologie, voilà qui semblait aussi peu propice à susciter un quelconque intérêt que de lire Poe non traduit par Baudelaire...
C'est le signe d'un grand auteur de faire sien, par le fond et la forme, n'importe quel sujet (à la mode ou pas) et de le mettre en valeur à ce point. Ruffin y réussit magistralement.
L'écriture, efficace, plonge immédiatement dans l'ambiance du pur thriller américain le lecteur qui se prend à rêver de voir un jour prochain le roman porté à l'écran.

Dans ce long roman (540 pages), qui promène le lecteur tout autour de la planète, Jean-Christophe Ruffin pose le problème crucial du "fondamentalisme" écologique qui, après le fondamentalisme islamique est considéré aux Etats Unis par le FBI comme le deuxième danger majeur qui menace la liberté et la démocratie.

Cette problématique, ignorée en France où le terrain commence juste à être préparé par des gentils écolos sincères à la sympathique bouille pour qui faire de l'écologie consiste à construire une maison aux normes environnementales et à se déplacer sur les pistes cyclables que les municipalités développent pour montrer l'attention qu'elles portent à la planète ; cette problématique, donc, ne manquera pas de se développer aussi chez nous dans les années à venir, et avec d'autant plus de force, de rapidité et de violence que les désordres climatiques s'affirmeront.

Il est doux de voir penser par un esprit de premier plan, reconnu et honoré par la Nation, ce qu'on pense soi-même, anonymement mais avec clarté, contre l'obscurantisme du discours commun de l'écologie et du développement durable qui ne sont pour ainsi dire plus que des alibis, de trop bonnes oppotunités pour certains de redorer leur respectabilité idéologique. Les fanatiques d'hier, gauchistes bon teint mais en besoin rapide de recyclage d'image vont pouvoir faire oublier leur gauchisme et leur marxisme-léninisme en enfilant le dossard de l'écologie.
Les Rouges deviendront Verts. Les méthodes de terrorisme physique ou moral, l'acharnement, le fanatisme resteront inchangés.
Les victimes qui feront les frais de ce nouveau fanatisme seront toujours les mêmes : les pauvres, les déshérités (cela se voit déjà dans la société française, j'en parlerai prochainement).
Au delà, la dérive de l'écologie fondamentale, de la deep ecology, prouvera, dès qu'elle montrera son vrai visage, que l'idéologie qui la fonde est viscéralement anti-humaine, anti-Homme, anti-Droits-de-l'homme, comme le sont strictement et absolument tous les extrémismes.


La parfaite honnêteté intellectuelle de Jean-Christophe Ruffin le pousse, dans une Postface, à replacer son roman dans la perspective de la pensée philosophique actuelle (depuis une quinzaine d'années) et de la création littéraire (notamment en Amérique du Nord).

Il est réconfortant d'y lire (page 534) cette référence à l'ouvrage de Luc Ferry "Le nouvel ordre écologique", dont j'ai déjà parlé dans un précédent post, par opposition au "Nouvel ordre écologique" de Michel Serres, rappelant justement que Ferry fut le premier à attirer l'attention sur ce qu'on appelait alors "l'écologie profonde" et qu'il convient désormais de nommer, il me semble, le fondamentalisme écologique.

Une phrase du roman (page 169), parmi d'autres mériterait l'inscription lapidaire aux frontons confits de bienpenseance de nos journaux nationaux, histoire de rappeler que, depuis René Descartes, la France est censée être le pays de l'esprit critique et du doute méthodique :
"Un mensonge est d'autant plus facile à fabriquer qu'il met en jeu des stéréotypes."

Et l'ouvrage tout entier est une invitation à rejeter en doute ces stéréotypes écologiques pour les regarder à la lumière d'une raison critique et les soumettre à un questionnement bien plus radical, conduisant à penser le rapport entre les deux hémisphères de la planète sur d'autres bases.

Sur cette sorte de mise en "inculpation de l'Humanité", qui est déjà -et sera chez nous, demain, portée par les gauchistes bienpensants d'aujourd'hui en fin de réorientation idéologique- la base pseudo-théorique qui "justifiera" la violence des jugements et des actes contre l'Homme, je citerai le début de la Postface, pge 533 :

"Les événements qui constituent la trame de ce roman, s'ils ne sont pas véridiques, ne me paraissent pas non plus, hélas, invraisemblables. En tous cas ils alertent sur un risque bien réel, que chaque grande conférence internationale consacrée à l'avenir de la planète fait resurgir : la mise en accusation des pauvres, considérés non plus comme un enjeu de justice, et de solidarité, mais comme une menace. De la lutte contre la pauvreté, nous sommes en train de passer à la guerre contre les pauvres."