samedi 21 juin 2008

2. La fête de la musique 2008 : entre alcool et gros sous, le ressac du principe de réalité



2.
La fête de la musique et la loi HADOPI
La loi Création et Internet va donc être mise en place et c'est la principale réaction qu'on entend sur les ondes ce matin, de la part des producteurs de disques quand on les interroge sur cette fête de la musique ! On le comprend bien. Pour eux, la musique n'est pas une fête, c'est leur business. Et le business, c'est sérieux. Qui leur en voudrait de défendre leur profession, leurs intérêts, leur vie d'un labeur si pénible et si mal rémunéré ?

Me revient à l'esprit ce mot d'Audiard dans la bouche d'un Bernard Blier surexcité : "Touche pas au grisbi, salope !"
Les "salopes", là, ce sont les jeunes (et de plus en plus les moins jeunes) qui téléchargent sans payer, les mêmes qui vont célébrer cette fête de la musique en s'alcoolisant (mais pas davantage que n'importe quel jeudi soir).
La loi est dure mais c'est la loi ! Faut dire que voler, c'est pas bien ! Mais qui les a ainsi élevés, ces jeune's ? Des voleurs, des alcooliques en bandes organisées. Ah ! Elle est belle la France de demain ! Et que fait la Police ? Eh bien justement, elle va pouvoir faire.

Nous nous rappelons tous comment, enfants ou ados, nous "compilions" alors la musique sur des cassettes audio à partir des vinyls et même directement de la radio. La qualité était souvent médiocre ; rien à voir avec les compils MP3 d'aujourd'hui, mais la démarche était la même.
Nous sommes dans le cas banal d'un conflit d'intérêts et d'une guerre d'usure. Les jeunes gagneront cette guerre, c'est certain.


L'UFC-Que Choisir a réagit aussitôt à cette loi avec, me semble-t-il, des arguments tout à fait recevables (lire l'article dans LeMondeInformatique.fr, en 2 pages, attention !). Pour l'association de défense des consommateurs, le Haut Débit, délivrant en même temps la télévision et le téléphone, en plus de l'Internet, et permettant de communiquer par mails ou par webcam, de chercher des informations, du travail, etc. est devenu un service universel, au même titre que l'électricité ou l'eau courante. Et on n'imagine pas en priver un individu sans de graves conséquences sociales et humaines qui dépassent de loin l'intérêt financier immédiat des producteurs. C'est en effet une réflexion sociale importante qu'on ne peut esquiver d'un simple revers de la main. Il ne fait pas de doute que cette loi verra sa légitimité contestée devant des juridictions compétentes.


Mais d'autre éléments doivent aussi être intégrés à cette réflexion...
  1. Les jeunes dépensent déjà des fortunes pour s'équiper en appareils électroniques de toutes sortes et en gadgets. Cette dépense, pour eux, est incompressible. En cas général, leur budget est donc déjà régulièrement "explosé" par ces emplettes permanentes et ruineuses. Ils n'ont plus assez d'argent pour faire le plein de la Ferrari qu'ils viennent de s'offrir. Ils ont le sentiment d'avoir assez payé comme ça. Donc ils se servent. C'est mal, convenons-en, mais c'est ainsi. C'est la jeunesse. Nous ne faisions rien d'autre au même âge avec nos cassettes audio.
  2. Chaque fois qu'on met en place un interdit ou une procédure de protection, on relance l'esprit d'inventivité et de ruse de ceux pour qui transgresser l'interdit est une manière de vivre et de voir le monde. Le pire comme le meilleur peuvent en sortir, en témoignent les plus exaltants moments de l'Histoire comme les plus glauques faits divers. Donc ces procédures de surveillance seront contournées. Il y aura un web "officiel" pour vous et moi, et un web "clandestin", un web crypté que nos jeunes utiliseront, qui existe déjà puisqu'on sait que les pédophiles et les terroristes y ont recours. Tenons pour assuré qu'il ne faudra pas longtemps pour que les ados s'y mettent, et partout déjà des ingénieurs en informatique et des petits génies bidouilleurs doivent y œuvrer.
  3. Cette loi -déjà technologiquement dépassée- va donc créer, en réaction, un "maquis" dans le web, un lieu virtuel de résistance. Dans ce maquis, et c'est là le premier drame, nos enfants y côtoieront les pires criminels. Ces derniers, alors qu'ils sont actuellement a peu près seuls dans cette clandestinité et néanmoins déjà difficiles à repérer et à appréhender, se verront noyés dans l'océan incommensurable des jeunes venus télécharger "tranquillement" leur son et leur video. C'est là le deuxième drame : l'afflux des jeunes va les rendre encore moins décelables, moins détectables. Camouflés par leurs propres victimes potentielles, les voilà protégés.

La dématérialisation des contenus et des supports rend quasi impossible le contrôle que le marchand pouvait exercer jusqu'à présent sur sa marchandise qui lui échappe, souvent avant même qu'il décide de la mettre en vente ! La réaction des "pirates" informatiques est déjà prévisible et les conséquences de cette loi Hadopi laissent présager des effets secondaires plus graves que la maladie...

Puisque le seul principe de réalité qui gouverne est l'argent, la solution doit être économique. Certains fournisseurs semblaient y travailler, voulant proposer des catalogues de téléchargements pour des abonnements mensuels très modérés. Ça n'avance pas vite...
Pourtant, la solution est sans doute de ce côté-là.

Les jeunes téléchargeraient en toute honnêteté ce qu'ils aiment vraiment, à la carte. Puisqu'ils ne demandent qu'à être des consommateurs formatés, ils le seront avec obéissance. Au lieu de les pourchasser pour leur faire quitter la jungle de la clandestinité, les financiers devraient juste leur donner envie de venir dans la clairière qu'ils auront savamment ménagée à leur attention ! Les amener sur des plateformes légales de téléchargement sera l'occasion pour les "Majors" de leur "offrir" de nouvelles opportunités de dilapider leur argent de poche. Enfin, ce retour à la lumière, à la transparence, à la facilité amaigrirait le côté obscur du Web, qui ne manquera pas de faire du gras si l'on va dans le sens de la répression et de la culpabilisation des jeunes. D'une pierre deux coups, les vaches seront bien gardées et les éleveurs continueront de s'engraisser !

Mais les lobbies influencent trop les coulisses du monde pour que la raison visant le bien commun à long terme prime sur l'intérêt immédiat des particuliers les plus puissants...

1. La fête de la musique 2008 : entre alcool et gros sous, le ressac du principe de réalité



La fête de la musique
affole les ondes, ce matin. Deux choses semblent sortir des commentaires : l'alcoolisme des jeunes pour lesquels s'inquiètent de plus en plus les pouvoirs publics, et la loi HADOPI, sur les rapport d'Internet et de la Création, c'est-à-dire la loi contre le piratage informatique.


1. La fête de la musique et l'alcoolisme des jeunes
Avant de redevenir sérieux (donc ne partez pas tout de suite, ou allez lire le point 2 !) un peu d'humeur : l'alcoolisme des jeunes inquiète !
La bonne blague ! Ce qui inquiète, ce n'est pas l'alcoolisation de la jeunesse, c'est l'onglosaxonnisation de cet alcoolisme ! Les jeunes ne se bourrent plus "à la française". Ils se murgent "à l'anglaise". Je les vois passer sous mes fenêtres, deux à trois soirs par semaine, avec le fameux pic du jeudi, en bandes, en hordes, filles et garçons goulot au bec dans la rue, braillant des obscénités en remontant vers les places de grands rassemblements. Là, ils s'achèveront, vomiront, boiront à nouveau et rentreront ensuite par le même chemin (je les verrai repasser sous mes fenêtres). Rien de vraiment neuf sous les réverbères...

Au passage, pour célébrer cette fin de soirée avec humour, il jetteront violemment au sol leurs biberons de verre, pour les faire exploser entre les voitures stationnées. Sacrés farceurs ! C'est tellement marrant d'éventrer ses pneus au moment de partir au travail, quand on est déjà "charrette" et qu'il va falloir griller les feux oranges pour ne pas arriver en retard !
Au passage, ils décanilleront quelques rétroviseurs qui n'avaient qu'à mieux se tenir à la carrosserie. C'est fou ce que l'alcool rend les pieds légers et vous donne des airs de Jackie Chan !
Bon, là encore, rien de nouveau, rien de méchant, pas de quoi fouetter un chat, il faut bien que jeunesse se passe.

Je n'en veux pas aux jeunes de faire la fête et de m'empêcher de dormir. De toute façon, je suis insomniaque et leur présence nocturne m'est même parfois une sympathique compagnie. Pour ce qui est de leur santé... Nous, ce sont les Grands crus classés, le champagne, le Lagavulin et le foie gras. Chacun se bouche les artères comme il veut.

Ce qui m'énerve, c'est la permanente fumisterie d'une presse nombreuse qui, à l'occasion de la moindre réforme à conduire, reprend en cœur ce révulsant refrain du "
Voyons chez nos voisins anglais, comme c'est bien ! Faisons Comme eux !" On n'entend plus que ça ! l'Angleterre est devenue le modèle de la France, son Idéal, son coach idéologique et bientôt, rêvons-en, institutionnel ! Ils ont raison, nos journalistes ! On est trop con, ringard, Has Been, en France, avec nos exceptions culturelles, nos idéologies pas du tout Real Politic ! L'Angleterre, c'est pas de chômage, plein emploi, des enfants qui savent lire et écrire en sortant de l'école, des policiers sans armes et sans bavures, des fonctionnaires musulmans enturbannés ou voilées sans que ça pose problème, une société libre et ouverte, une place financière qui compte vraiment, pas de Sécu, pas d'Hôpital digne de ce nom, des mois d'attente pour consulter un médecin, un nid douillets pour terroristes en sommeil ou en préparation d'attentats, des places publiques où les pires fanatismes peuvent haranguer les foules et se propager au grand jour sous couvert de liberté d'expression, etc... L'Angleterre, c'est le rêve, le but ultime à atteindre. Je ne sais même pas pourquoi nous conservons encore un gouvernement et des Institutions ! Je serais d'avis d'aller plus loin dans la rupture : passons sous administrations anglaise ! Puisque leurs hommes politiques valent tellement mieux que les nôtres, qu'ils nous gouvernent ! Votons pour un Premier Ministre anglais. On trinquera d'un "God save the Queen", ça aura plus de gueule que notre franchouillard "Tchin-Tchin" (qui fait bien rire les Japonais, mais pour d'autres raisons !).
Du coup, nous n'aurions plus de problèmes avec l'Europe, ni avec l'Euro, ni avec l'OTAN, ni avec l'Atlantisme !
Devenons Anglais, tous nos problèmes seront résolus ! Notez que les Anglais nous ont tendu la main à plusieurs reprises depuis la mort des derniers Capétiens, et que nous avons toujours bêtement décliné l'offre... Non, non, la bêtise nous incombe à nous seuls.

Alors quoi ? Nos jeunes anglosaxonnisent leurs alcoolisme et il faudrait les en blâmer ? Félicitons-les ! Décorons-les, au contraire ! Ils mettent en œuvre dans leur quotidien l'idéologie qu'on s'emploie à installer dans leurs crânes dociles ! Soyons cohérents : arrêtons de critiquer nos enfants qui agissent conformément aux vœux de leurs pères !

Vous savez, c'est con un jeune ! Parfois, c'est impulsif, c'est irréfléchi... A force de le critiquer et de l'attaquer, il vous claque la porte au nez... et pas sûr qu'il revienne ! Imaginez que les jeunes, fatigués d'obéir servilement, de s'angliciser en tout et de se voir attaqués en permanence, décident comme ça, sur un coup de tête de revenir au casse-croûte, au verre de rouge sur le zinc. Imaginez qu'à force de s'entendre dire qu'ils sont analphabètes et incultes, ils se remettent à étudier un peu et apprennent de nouveau à lire ! Imaginez que, sachant lire, ils aillent du côté de l'Histoire et de la Pensée, qu'ils délaissent le son et l'image pour retourner au texte ! Imaginez qu'au lieu de suivre docilement le discours sirupeux des politiciens cyniques il se mettent à penser la Politique, et qu'ils aillent lire quelques livres de fous furieux oubliés, de quelque De Gaulle par exemple ! Imaginez qu'en lieu et place de la soumission, ils entrent en résistance au monde que leur prépare la Droite comme la Gauche, le Libéralisme comme le Socialisme ou l'Altermondialisme !


Allons, allons ! Faut-il vraiment que nos jeunes ne sortent plus analphabètes de l'école, drogués à l'idéologie, à l'image, au son, à l'alcool anglo-saxons ? Faut-ils qu'ils se mettent à lire vraiment les textes pour ne plus croire aux fables ? Faut-ils qu'ils se mettent à lire les vraies bibles politiques au lieu de croire aveuglément aux gloses de nos curés élus ?
Arrêtons d'ennuyer les jeunes, avec leurs piratages Internet, leurs beuveries et leurs drogues, ou nous risquons d'en faire des empêcheurs de consommer, de politiquer, de voter, de picoler en rond !
Et ce n'est pas ce que nous voulons, n'est-ce pas ? Nous ne voulons que leur bien... Ce sont nos enfants, après tout...



2.
La fête de la musique et la loi HADOPI
La loi Création et Internet va donc être mise en place et c'est la principale réaction qu'on entend sur les ondes ce matin, de la part des producteurs de disques quand on les interroge sur cette fête de la musique ! On le comprend bien. Pour eux, la musique n'est pas une fête, c'est leur business. Et le business, c'est sérieux. Qui leur en voudrait de défendre leur profession, leurs intérêts, leur vie d'un labeur si pénible et si mal rémunéré ?

Me revient à l'esprit ce mot d'Audiard dans la bouche d'un Bernard Blier surexcité : "Touche pas au grisbi, salope !"
Les "salopes", là, ce sont les jeunes (et de plus en plus les moins jeunes) qui téléchargent sans payer, les mêmes qui vont célébrer cette fête de la musique en s'alcoolisant (mais pas davantage que n'importe quel jeudi soir).
La loi est dure mais c'est la loi ! Faut dire que voler, c'est pas bien ! Mais qui les a ainsi élevés, ces jeune's ? Des voleurs, des alcooliques en bandes organisées. Ah ! Elle est belle la France de demain ! Et que fait la Police ? Eh bien justement, elle va pouvoir faire.

Nous nous rappelons tous comment, enfants ou ados, nous "compilions" alors la musique sur des cassettes audio à partir des vinyls et même directement de la radio. La qualité était souvent médiocre ; rien à voir avec les compils MP3 d'aujourd'hui, mais la démarche était la même.
Nous sommes dans le cas banal d'un conflit d'intérêts et d'une guerre d'usure. Les jeunes gagneront cette guerre, c'est certain.


L'UFC-Que Choisir a réagit aussitôt à cette loi avec, me semble-t-il, des arguments tout à fait recevables (lire l'article dans LeMondeInformatique.fr, en 2 pages, attention !). Pour l'association de défense des consommateurs, le Haut Débit, délivrant en même temps la télévision et le téléphone, en plus de l'Internet, et permettant de communiquer par mails ou par webcam, de chercher des informations, du travail, etc. est devenu un service universel, au même titre que l'électricité ou l'eau courante. Et on n'imagine pas en priver un individu sans de graves conséquences sociales et humaines qui dépassent de loin l'intérêt financier immédiat des producteurs. C'est en effet une réflexion sociale importante qu'on ne peut esquiver d'un simple revers de la main. Il ne fait pas de doute que cette loi verra sa légitimité contestée devant des juridictions compétentes.


Mais d'autre éléments doivent aussi être intégrés à cette réflexion...
  1. Les jeunes dépensent déjà des fortunes pour s'équiper en appareils électroniques de toutes sortes et en gadgets. Cette dépense, pour eux, est incompressible. En cas général, leur budget est donc déjà régulièrement "explosé" par ces emplettes permanentes et ruineuses. Ils n'ont plus assez d'argent pour faire le plein de la Ferrari qu'ils viennent de s'offrir. Ils ont le sentiment d'avoir assez payé comme ça. Donc ils se servent. C'est mal, convenons-en, mais c'est ainsi. C'est la jeunesse. Nous ne faisions rien d'autre au même âge avec nos cassettes audio.
  2. Chaque fois qu'on met en place un interdit ou une procédure de protection, on relance l'esprit d'inventivité et de ruse de ceux pour qui transgresser l'interdit est une manière de vivre et de voir le monde. Le pire comme le meilleur peuvent en sortir, en témoignent les plus exaltants moments de l'Histoire comme les plus glauques faits divers. Donc ces procédures de surveillance seront contournées. Il y aura un web "officiel" pour vous et moi, et un web "clandestin", un web crypté que nos jeunes utiliseront, qui existe déjà puisqu'on sait que les pédophiles et les terroristes y ont recours. Tenons pour assuré qu'il ne faudra pas longtemps pour que les ados s'y mettent, et partout déjà des ingénieurs en informatique et des petits génies bidouilleurs doivent y œuvrer.
  3. Cette loi -déjà technologiquement dépassée- va donc créer, en réaction, un "maquis" dans le web, un lieu virtuel de résistance. Dans ce maquis, et c'est là le premier drame, nos enfants y côtoieront les pires criminels. Ces derniers, alors qu'ils sont actuellement a peu près seuls dans cette clandestinité et néanmoins déjà difficiles à repérer et à appréhender, se verront noyés dans l'océan incommensurable des jeunes venus télécharger "tranquillement" leur son et leur video. C'est là le deuxième drame : l'afflux des jeunes va les rendre encore moins décelables, moins détectables. Camouflés par leurs propres victimes potentielles, les voilà protégés.

La dématérialisation des contenus et des supports rend quasi impossible le contrôle que le marchand pouvait exercer jusqu'à présent sur sa marchandise qui lui échappe, souvent avant même qu'il décide de la mettre en vente ! La réaction des "pirates" informatiques est déjà prévisible et les conséquences de cette loi Hadopi laissent présager des effets secondaires plus graves que la maladie...

Puisque le seul principe de réalité qui gouverne est l'argent, la solution doit être économique. Certains fournisseurs semblaient y travailler, voulant proposer des catalogues de téléchargements pour des abonnements mensuels très modérés. Ça n'avance pas vite...
Pourtant, la solution est sans doute de ce côté-là.

Les jeunes téléchargeraient en toute honnêteté ce qu'ils aiment vraiment, à la carte. Puisqu'ils ne demandent qu'à être des consommateurs formatés, ils le seront avec obéissance. Au lieu de les pourchasser pour leur faire quitter la jungle de la clandestinité, les financiers devraient juste leur donner envie de venir dans la clairière qu'ils auront savamment ménagée à leur attention ! Les amener sur des plateformes légales de téléchargement sera l'occasion pour les "Majors" de leur "offrir" de nouvelles opportunités de dilapider leur argent de poche. Enfin, ce retour à la lumière, à la transparence, à la facilité amaigrirait le côté obscur du Web, qui ne manquera pas de faire du gras si l'on va dans le sens de la répression et de la culpabilisation des jeunes. D'une pierre deux coups, les vaches seront bien gardées et les éleveurs continueront de s'engraisser !

Mais les lobbies influencent trop les coulisses du monde pour que la raison visant le bien commun à long terme prime sur l'intérêt immédiat des particuliers les plus puissants...

mercredi 18 juin 2008

Jean Mauriac : le Général et le journaliste




Jean Mauriac : le Général et le journaliste
Un trésor…


Sorti début 2008, ce livre est un trésor.
Ceux qui aiment François Mauriac et qui ont cherché à enter un peu dans l’intimité de cet immense écrivain ont, un jour ou l’autre, croisé François Mauriac à Malagar grâce à son fils Jean. Lisez aussi Malagar, aux éditions Sables, livre magnifique, assez difficile à trouver en librairie, mais qu’on peut obtenir facilement auprès de la librairie de Malagar, ancienne demeure de l’écrivain, près de Bordeaux, et vous comprendrez qu’en littérature Jean Mauriac a su se faire un prénom. Ce n’est pas rien, après un tel père.

Jean Mauriac entrera comme journaliste politique à l’AFP dès la Libération en 1944 et sera aussitôt affecté auprès du Général de Gaulle jusqu’en 1969. Il participera à tous les grands voyages, à tous les grands moments de cette France qui se confondit un temps avec son chef, il traversera l’océan avec le Général, lors de sa « traversée du désert » et il « couvrira » aussi les derniers voyages du Général en Irlande et en Espagne.


Le Général et le journaliste montre la loyauté, la tendresse, l’amour, le respect toujours intacts et profonds de l’auteur pour de Gaulle. Ce livre est un peu son « Ode à l’homme qui fut la France ». Avec la rigueur, l’exactitude du correspondant de l’Agence de Presse, je dirais avec l’honnêteté consanguine d’un Mauriac, Jean Mauriac s’applique à témoigner en serrant au plus près la vérité. Il s’attache au vrai. Il parle de ce qu’il connaît véritablement. Ce qu’il connaît véritablement, il l’aime. Ce qu’il aime, il nous le fait aimer.

Aussi, vient vite l’envie de lire L’après de Gaulle, que Jean Mauriac avait publié en 2006. Les deux ouvrages se reprennent, se répondent, se précisent, résonnent et se font écho, soit en tout quelque 800 pages d’un témoignage incontournable. Ce « devoir de témoigner » comme l’écrit Jean-Luc Barré, Jean Mauriac s’en acquitte admirablement. Il y a une manière de créance dans son cœur, quelque chose qui dépasse même l’exceptionnelle chance d’avoir pu ainsi côtoyer un tel homme, un tel destin. De cette dette immatérielle, la morale de l’auteur exigeait qu’il s’en acquittât. La finalité de Jean Mauriac ne semble pas seulement d’apporter sa contribution au mythe gaulliste. Si ç’avait été le cas, il l’aurait fait dès le début des années 70, comme tant de témoins privilégiés.

Au soir de sa vie, Jean Mauriac, dans le Général et le journaliste, peint les traits essentiels de deux personnages qui furent ses idoles, sa religion : François Mauriac et Charles de Gaulle. Chez l’un comme chez l’autre, on retrouve la plénitude d’une vie et d’une pensée accordées.

Il y a beaucoup de courage dans ce que ce fils dit de son père, et jamais de jugement dans le cœur de cet homme qui reste un fils aimant et admiratif. Il y a une forme de reconnaissance de paternité spirituelle assumée envers le Général. De même qu’on marche, on vole, on vogue, on roule aux côtés de De Gaulle s’entretenant avec Jean Mauriac, on se promène sous les arbres de Malagar et on entend le chant des oiseaux au fond du jardin de Vémars avec François Mauriac qui évoque pour le lecteur Francis Jammes ou José Cabanis…

Ces deux grands hommes au courage immense et à l’engagement total quittèrent le monde en 1970, à deux mois de distance. Sans doute, Jean Mauriac est-il doublement orphelin depuis trente-huit ans déjà.

Je me permets de reproduire la lettre que de Gaulle adresse à Jean Mauriac le 6 octobre 1970 après la mort de son père, survenue le 1er septembre (page 281) :


" Mon cher ami,


Votre lettre m’a touché comme m’a ému votre peine. Pour moi, je ne me consolerai pas de la perte de François Mauriac, non seulement à cause de son immense talent, mais aussi en raison de tout ce que je lui dois.

Si je ne vous ai pas appelé à causer pendant le voyage d’Espagne, c’est, vous le savez bien, parce que je veux, vis-à-vis de chacun et de moi-même, être détaché entièrement de l’ « actualité ». Mais je ne le suis pas de l’amitié. Soyez bien certain que la mienne vous est fidèle.


Charles de Gaulle "




Une autre inestimable qualité des témoignages de Jean Mauriac, et qui leur confère encore plus de valeur, est qu’ils se diffusent dans le lecteur et le pénètrent en profondeur. Ses livres sont des portes pour entrer dans l’Histoire de France. Grâce à lui, on peut ressentir l’haleine gaulliste, attraper le fil et avoir l’impression qu’on ne se perdra pas dans le labyrinthe de l’Histoire. C’est aussitôt savoir quoi lire et qui rencontrer : Olivier Guichard, Roger Frey, Gaston de Bonneval, Jacques Foccart, André Malraux, Maurice Couve de Murville, le Général Massu, Pierre Sudreau, Claude Guy bien sûr, et tant d’autres…

Pendant des décennies, tous ces secrets, ces notes confidentielles, ces souvenirs se sont accumulés dans les cahiers d’écoliers sur lesquels Jean Mauriac consignait tout. Loin de toute précipitation, il a laissé le temps passer et agir. De ce passé sédimenté, tous les caractères accessoires ont disparu : l’aveuglement de l’événement en train de se faire, le tumulte du quotidien, les passions exacerbées, les fausses couleurs et les demi-teintes, le fanatisme aveugle des grenouilles du bénitier gaulliste, les jappements hargneux des roquets oubliés. Le temps a fait son œuvre. Demeure l’essentiel. Et chaque page de Jean Mauriac est un pur diamant.

vendredi 13 juin 2008

Cesare Pavese : Terre d'exil

Cesare Pavese : Terre d'exil
Nouvelle
Pour un ingénieur Piémontais, être nommé dans le Sud, "dans le fond de l'Italie", dans "ce sale petit village" de Calabre avec la mission d'y construire une route, c'est un expatriment, une condamnation, une damnation.
Dès le début, le narrateur, interne à l'oeuvre, nous présente en les regrettant ses a priori contre ces villageois pouilleux, ces vieilles femmes qui hurlent, ces mendiants aux pieds nus, ces femmes pathologiquement dissimulées au regard monde ; a priori qui l'auront rendu aveugle et sourd à un spectacle dont il aurait finalement aimé ramener davantage.
La misère des hommes, la sécheresse de la nature l'agacent aussitôt et l'isolent irrémédiablement de ce monde archaïque. Comme un colon, il progresse en ce monde en y portant le flambeau de la civilisation Il vient amener la route, l'asphalte, la voie de communication à ce monde fermé, replié sur lui-même, fixé hors du temps. Le Turinois apporte aux Calabrais le secours, la chance de communiquer enfin avec le vrai monde, de se relier au réel. Pour le narrateur, si la Calabre est supportable aux Calabrais c'est parce qu'ils doivent espérer la quitter un jour. Ils ne peuvent qu'aspirer à s'enfuir de cette terre barbare vers un Eden rêvé : l'Italie du Nord !
Ici, les femmes sont respectables, prisonnières et mortes au monde ou bien ce sont des prostituées, de la viande, comme Concetta, cette petite blonde bien grasse dont le boucher du village commercialise les charmes dans son arrière boutique. La femme n'est envisagée que sous l'angle du sexe, de la possession, de la domination. Le sentiment amoureux, la souffrance causée par l'absence de l'être aimé ne traversent pas l'âme de ces hommes... Les femmes, d'ailleurs sont la cause de la chute des hommes. Ciccio, le mendiant en est l'illustration flamboyante.
Les personnages de cette nouvelle portent la pesanteur du lieu et traduisent l'oppression politique : l'île sert à déporter les opposants au régime fasciste. Un dialogue s'engage entre l'ingénieur et l'un de ces "relégués", obsédé par l'infidélité probable de sa fiancée plutôt que par sa condition de prisonnier politique.
On trouve là, grâce à cette nouvelle, une opportunité, une invitation à lire un peu plus loin et à revenir peut-être vers cet auteur italien antifasciste qui s'opposera dès le milieu des années 30 à la politique de Mussolini et qui, pour avoir aidé une communiste, sera déporté en Calabre pendant une année entière.

jeudi 12 juin 2008

Luigi Pirandello : Première nuit

Luigi Pirandello : Première nuit
Nouvelle, Folio


Pour qui veut voir renaître en son imaginaire un tableau de la Sicile d'avant la seconde guerre mondiale mais aussi retrouver quelques données sociologiques d'un monde qui a aussi existé chez nous, là où nous vivons, dans nos campagnes les plus pauvres, dans l'Auvergne d'Antoine Sylvère par exemple, ou dans les "souillardes" de nos fermes il n'y a pas encore si longtemps.

Puissante évocation. Un minimum d'artifice pour un maximum de rendu. Des couleurs pures, crues, posées. Un tableau des heures rudes de la vie telle qu'elle est, digne des Fauves, aux antipodes des Naturalistes. Pas de mélange des tons. Pas de critique sociale, pas d'idéologie. La vie brute. La vie inévitable. Cette vie-là ou rien.

La langue de Pirandello rend à merveille la simplicité dépouillée de ce quotidien taillé à même le roc. Elle restitue le bonheur de ces expressions populaires qu'on ne trouve plus beaucoup dans les textes d'aujourd'hui. Il y avait encore quelques restes d'Epictète chez ces gens-là.

Les hommes sont maigres, émaciés, taciturnes, moroses. Les femmes silencieuses, malheureuses, vaincues et soumises à un destin impitoyable sous leurs châles noirs. La mer a fait, une fois de plus, la veuve et l'orpheline en retenant la vie du mari de la vieille Mamm'Anto, père de la jeune et belle Marastella. Mais elle a aussi pris, le même jour, Tino Sparti, l'amour secret de Marastella...

Vielle et pauvre, quand Mamm'Anto ne sera plus, qui s'occupera de Marasté ? Il n'y a guère que Don Lisi, veuf lui aussi, la quarantaine, laid, gardien du cimetière. Alors, le mariage se fait. Il n'y a pas d'autre calcul que la nécessité de vivre, de chercher à organiser un peu un avenir qui ne va guère plus loin que le repas du lendemain qu'il faut assurer.

Mariage misérable et lugubre, sans guitare ni mandoline, qui fait inévitablement penser à un enterrement et qui conduit Marasté à "la grille du petit cimetière blanc"... Grille, barrière ouverte sur le monde de l'immobile, frontière des vivants et des mort, fin des possibles.

Don Lisi n'est pas plus responsable de ce mariage que Marasté et pas davantage heureux non plus. Alors, au seuil terrible de la nuit de noces, Don Lisi se penche sur la tome de son épouse disparue, Marasté s'effondre sur celle de son père et de Tino, et les vivants demandent aux morts la force de vivre parmi les vivants. Etrange mariage à quatre où deux ces êtres enfermés dans leur solitude, isolés de l'autre, sans porte ni fenêtre, vivront parmi les tombes en continuant d'aimer les ombres de leur passé.