vendredi 13 juin 2008

Cesare Pavese : Terre d'exil

Cesare Pavese : Terre d'exil
Nouvelle
Pour un ingénieur Piémontais, être nommé dans le Sud, "dans le fond de l'Italie", dans "ce sale petit village" de Calabre avec la mission d'y construire une route, c'est un expatriment, une condamnation, une damnation.
Dès le début, le narrateur, interne à l'oeuvre, nous présente en les regrettant ses a priori contre ces villageois pouilleux, ces vieilles femmes qui hurlent, ces mendiants aux pieds nus, ces femmes pathologiquement dissimulées au regard monde ; a priori qui l'auront rendu aveugle et sourd à un spectacle dont il aurait finalement aimé ramener davantage.
La misère des hommes, la sécheresse de la nature l'agacent aussitôt et l'isolent irrémédiablement de ce monde archaïque. Comme un colon, il progresse en ce monde en y portant le flambeau de la civilisation Il vient amener la route, l'asphalte, la voie de communication à ce monde fermé, replié sur lui-même, fixé hors du temps. Le Turinois apporte aux Calabrais le secours, la chance de communiquer enfin avec le vrai monde, de se relier au réel. Pour le narrateur, si la Calabre est supportable aux Calabrais c'est parce qu'ils doivent espérer la quitter un jour. Ils ne peuvent qu'aspirer à s'enfuir de cette terre barbare vers un Eden rêvé : l'Italie du Nord !
Ici, les femmes sont respectables, prisonnières et mortes au monde ou bien ce sont des prostituées, de la viande, comme Concetta, cette petite blonde bien grasse dont le boucher du village commercialise les charmes dans son arrière boutique. La femme n'est envisagée que sous l'angle du sexe, de la possession, de la domination. Le sentiment amoureux, la souffrance causée par l'absence de l'être aimé ne traversent pas l'âme de ces hommes... Les femmes, d'ailleurs sont la cause de la chute des hommes. Ciccio, le mendiant en est l'illustration flamboyante.
Les personnages de cette nouvelle portent la pesanteur du lieu et traduisent l'oppression politique : l'île sert à déporter les opposants au régime fasciste. Un dialogue s'engage entre l'ingénieur et l'un de ces "relégués", obsédé par l'infidélité probable de sa fiancée plutôt que par sa condition de prisonnier politique.
On trouve là, grâce à cette nouvelle, une opportunité, une invitation à lire un peu plus loin et à revenir peut-être vers cet auteur italien antifasciste qui s'opposera dès le milieu des années 30 à la politique de Mussolini et qui, pour avoir aidé une communiste, sera déporté en Calabre pendant une année entière.

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