2. La fête de la musique et la loi HADOPI
La loi Création et Internet va donc être mise en place et c'est la principale réaction qu'on entend sur les ondes ce matin, de la part des producteurs de disques quand on les interroge sur cette fête de la musique ! On le comprend bien. Pour eux, la musique n'est pas une fête, c'est leur business. Et le business, c'est sérieux. Qui leur en voudrait de défendre leur profession, leurs intérêts, leur vie d'un labeur si pénible et si mal rémunéré ?
Me revient à l'esprit ce mot d'Audiard dans la bouche d'un Bernard Blier surexcité : "Touche pas au grisbi, salope !"
Les "salopes", là, ce sont les jeunes (et de plus en plus les moins jeunes) qui téléchargent sans payer, les mêmes qui vont célébrer cette fête de la musique en s'alcoolisant (mais pas davantage que n'importe quel jeudi soir).
La loi est dure mais c'est la loi ! Faut dire que voler, c'est pas bien ! Mais qui les a ainsi élevés, ces jeune's ? Des voleurs, des alcooliques en bandes organisées. Ah ! Elle est belle la France de demain ! Et que fait la Police ? Eh bien justement, elle va pouvoir faire.
Nous nous rappelons tous comment, enfants ou ados, nous "compilions" alors la musique sur des cassettes audio à partir des vinyls et même directement de la radio. La qualité était souvent médiocre ; rien à voir avec les compils MP3 d'aujourd'hui, mais la démarche était la même.
Nous sommes dans le cas banal d'un conflit d'intérêts et d'une guerre d'usure. Les jeunes gagneront cette guerre, c'est certain.
L'UFC-Que Choisir a réagit aussitôt à cette loi avec, me semble-t-il, des arguments tout à fait recevables (lire l'article dans LeMondeInformatique.fr, en 2 pages, attention !). Pour l'association de défense des consommateurs, le Haut Débit, délivrant en même temps la télévision et le téléphone, en plus de l'Internet, et permettant de communiquer par mails ou par webcam, de chercher des informations, du travail, etc. est devenu un service universel, au même titre que l'électricité ou l'eau courante. Et on n'imagine pas en priver un individu sans de graves conséquences sociales et humaines qui dépassent de loin l'intérêt financier immédiat des producteurs. C'est en effet une réflexion sociale importante qu'on ne peut esquiver d'un simple revers de la main. Il ne fait pas de doute que cette loi verra sa légitimité contestée devant des juridictions compétentes.
Mais d'autre éléments doivent aussi être intégrés à cette réflexion...
- Les jeunes dépensent déjà des fortunes pour s'équiper en appareils électroniques de toutes sortes et en gadgets. Cette dépense, pour eux, est incompressible. En cas général, leur budget est donc déjà régulièrement "explosé" par ces emplettes permanentes et ruineuses. Ils n'ont plus assez d'argent pour faire le plein de la Ferrari qu'ils viennent de s'offrir. Ils ont le sentiment d'avoir assez payé comme ça. Donc ils se servent. C'est mal, convenons-en, mais c'est ainsi. C'est la jeunesse. Nous ne faisions rien d'autre au même âge avec nos cassettes audio.
- Chaque fois qu'on met en place un interdit ou une procédure de protection, on relance l'esprit d'inventivité et de ruse de ceux pour qui transgresser l'interdit est une manière de vivre et de voir le monde. Le pire comme le meilleur peuvent en sortir, en témoignent les plus exaltants moments de l'Histoire comme les plus glauques faits divers. Donc ces procédures de surveillance seront contournées. Il y aura un web "officiel" pour vous et moi, et un web "clandestin", un web crypté que nos jeunes utiliseront, qui existe déjà puisqu'on sait que les pédophiles et les terroristes y ont recours. Tenons pour assuré qu'il ne faudra pas longtemps pour que les ados s'y mettent, et partout déjà des ingénieurs en informatique et des petits génies bidouilleurs doivent y œuvrer.
- Cette loi -déjà technologiquement dépassée- va donc créer, en réaction, un "maquis" dans le web, un lieu virtuel de résistance. Dans ce maquis, et c'est là le premier drame, nos enfants y côtoieront les pires criminels. Ces derniers, alors qu'ils sont actuellement a peu près seuls dans cette clandestinité et néanmoins déjà difficiles à repérer et à appréhender, se verront noyés dans l'océan incommensurable des jeunes venus télécharger "tranquillement" leur son et leur video. C'est là le deuxième drame : l'afflux des jeunes va les rendre encore moins décelables, moins détectables. Camouflés par leurs propres victimes potentielles, les voilà protégés.
La dématérialisation des contenus et des supports rend quasi impossible le contrôle que le marchand pouvait exercer jusqu'à présent sur sa marchandise qui lui échappe, souvent avant même qu'il décide de la mettre en vente ! La réaction des "pirates" informatiques est déjà prévisible et les conséquences de cette loi Hadopi laissent présager des effets secondaires plus graves que la maladie...
Puisque le seul principe de réalité qui gouverne est l'argent, la solution doit être économique. Certains fournisseurs semblaient y travailler, voulant proposer des catalogues de téléchargements pour des abonnements mensuels très modérés. Ça n'avance pas vite...
Pourtant, la solution est sans doute de ce côté-là.
Les jeunes téléchargeraient en toute honnêteté ce qu'ils aiment vraiment, à la carte. Puisqu'ils ne demandent qu'à être des consommateurs formatés, ils le seront avec obéissance. Au lieu de les pourchasser pour leur faire quitter la jungle de la clandestinité, les financiers devraient juste leur donner envie de venir dans la clairière qu'ils auront savamment ménagée à leur attention ! Les amener sur des plateformes légales de téléchargement sera l'occasion pour les "Majors" de leur "offrir" de nouvelles opportunités de dilapider leur argent de poche. Enfin, ce retour à la lumière, à la transparence, à la facilité amaigrirait le côté obscur du Web, qui ne manquera pas de faire du gras si l'on va dans le sens de la répression et de la culpabilisation des jeunes. D'une pierre deux coups, les vaches seront bien gardées et les éleveurs continueront de s'engraisser !
Mais les lobbies influencent trop les coulisses du monde pour que la raison visant le bien commun à long terme prime sur l'intérêt immédiat des particuliers les plus puissants...
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