Alessandro Baricco :
Soie (beau et tais-toi, Alessandro !)
Sur le modèle de la Constitution anglaise qui interdit à la Reine de parler politique, il faudrait, à l’occasion d’une révision de la Constitution de la Vème République, interdire aux journalistes français de parler de littérature, à moins qu’ils ne fussent également écrivains.
Allez donc voir, sur le site de l’Express, un exemple de critique littéraire qui ne sait ni lire ni critiquer et qui enfile comme des perles des arguments de vente dignes d’un stagiaire d’école de commerce.
La presse a donc encensé le texte d’Alessandro Baricco comme elle l’eût fait d’un nouveau « Guépard ». 300 000 ventes en Italie, principalement à destination d’un public jeune : un best seller pour bouffeurs de Mac Do incultes.
Baricco a circonscrit son objectif et atteint sa cible. Il sert à son public de la fast-littérature, mais pas grasse du tout. Elle serait même allégée : 0% d’idée, 0% de style, 0% de structure, 100 % de vide hydrogéné pour faire prendre ce Canada dry de mayonnaise littéraire. Vous l’aurez compris, c’est si léger, si plat et si creux, si vide et si vaporeux, que Baricco ferait presque mentir Pascal qui nous soutient et nous démontre que le vide n’est pas le néant.
Pour ce qui est de l’histoire, un français part acheter des vers à soie au Japon (XIXème siècle, japon médiéval). Il tombe amoureux d’une jeune femme (même pas bridée, donc sans doute occidentale, mais complètement tatamisée dans ses comportements ! Bien sûr, nous ne saurons rien de ce mystère !) déjà prise par le vieux potentat local. Rien n’est dit, scène de geisha aux regards immobiles ; regards immobiles qui sont sensées nous faire exploser le mercure de la sensualité. Et le danger là dedans ! Oulala ! N’en parlons même pas ! On ne pique pas le cœur de la copine d’un japonais médiéval tout puissant comme ça, juste parce qu’on est un jeune, gentil, beau et français, avec plein d’or en poche ! C’est qu’ils ont la tête près du chignon, et la main sur le katana, ces gens-là ! Alors, on rentre finalement en France retrouver sa femme à qui on ne dit rien mais qui comprend tout, parce qu’elles sont comme ça, les femmes françaises, même si on ne leur dit rien, elles comprennent tout, elles pardonnent tout. Quand on a connu un tel amour impossible, que faire d’autre sinon son jardin ? Parce qu’ils sont comme ça, les Français : s’ils sont transis d’amour, ils se mettent au jardinage et attendent la mort. Les Français, eux, ont des cœurs d’artichauts et cela les rend bons jardiniers ! Ou alors ils ont tous lu Epicure et appliquent les conseils du Maître, qui sait ? Et oui, même à quarante ans, même beau, riche, aventureux et intelligent, un amour déçu et hop ! Lessivé le french lover ! Jardinier ! Avec ça, les macaronis peuvent être rassurés, il n’y aura pas beaucoup de concurrence sur les plages nipponnes cet été !
Pour ce qui est de l’inspiration ? Ambiance « Estampe de supermarché, exemplaire original du Japon, 120x80, encadré, 3€99, made in China.» Les poncifs les plus éculés et les plus niais sur le Japon et les Japonais fusent à chaque coin de phrase. Il faut vraiment ne s’être jamais un tant soit peu intéressé à cette civilisation pour véhiculer de tels stéréotypes avec autant de naïveté. Le héros de Baricco est directement tiré du Richard Chamberlain de Shogun, série culte des années 80, dont l’auteur s’est visiblement trop nourri… C’est ça, la culture télé : on finit par réécrire Goldorak en se prenant pour Sophocle.
Pour ce qui est du style : si vous aimez le degré 0 de l’écriture, vous serez servis. Vous avez aimé le vide souverain qui règne chez Christian Bobin ? Vous avez adoré Philippe Delerm dès la première gorgée de rien ? Alors vous raffolerez de Baricco ! Vous êtes en transe sur les maxi best of navets de Paulo Coelho ? Votre cam, c’est le pseudo message spiritualisant ? le pseudo conte initiatique ? Vous vouerez un véritable culte à Baricco.
Sinon, si nous n’êtes pas du style à vous faire enBOBINer, passez vite chemin et relisez sur la plage quelque chose de correct (ou même d’excellent, rien n’est interdit) que vous aviez aimé, il y a vingt ans…
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